De l’eau apatride. Nous avons besoin de ports pour accoster, de voiliers et d’ailerons pour la baignade. Nous sommes des poissons hors de l’eau.
Port Tonic Art Center est une résidence internationale d’artistes, centre d’art contemporain sur la Côte d’Azur, installé à la place d’un ancien chantier naval de plaisance.
La marina artificielle, aujourd’hui inutilisée, redevient un paradis pour les poissons et une sorte de piscine artificielle/naturelle pour nager loin des vagues de la mer ouverte.
Port Tonic est comme un hélicoptère en vol stationnaire : il résiste aux forces de la nature, attiré par la terre, vise l’horizon en réaction à la mer.
Davide d’Elia
Port Tonic Art Center (PTAC) – Les Issambres – Côte d’Azur – France
Résidence, Eté 2019
Les flotteurs de pêche trouvés parmi les matériaux de Port Tonic représentent l’unité de mesure de cette tension, les microsystèmes avec une architecture élaborée et fonctionnelle, des structures capables de coexister avec l’écosystème qui les entourent.
Comme des sculptures amphibies, ils flottent entre l’eau et l’air : La partie submergée camouflée, parfois irisée, ne suscite aucun souci pour la faune des fonds marins, elle est plutôt conçue pour l’attirer. La partie supérieure, au contraire, légère et effilée, s’étire avec des couleurs fluorescentes pour être en mesure d’être aperçue par l’œil humain, même à distance.
Les œuvres créées lors de la résidence en 2019 sont installées dans la partie de la salle d’exposition en dialogue avec les grandes fenêtres qui encadrent la mer, disposées suivant la ligne d’horizon, réelle ou supposée, en duo avec elle suivant nos déplacements dans la salle.
Il y a trois points focaux autour desquels se déploient les œuvres présentées au PTAC : la perception de l’horizon, la perception du temps, la flottabilité.
Position centrale de l’installation Sunserif : les bandes de plastique qui jusqu’à un mois avant ont été complètement recouvertes de poussière industrielle d’aluminium, puis partiellement nettoyées et rendues transparentes à nouveau, pour perdurer et inviter à réfléchir à la ligne du coucher du soleil.
En face, à côté de la grande fenêtre en verre d’angle, sur la petite fenêtre carrée, la ligne entre mer et ciel est accentuée par l’application d’un vinyle transparent sur le carreau : l’intervention, Belvedere 01, bloque le mouvement de la mer de la vue grâce à la superimposition d’un bleu iris monochrome, une sorte de suspension de l’horizon qui dialogue avec la ligne idéale décrite par Sunserif.
Autour de ce voile horizontal, une série d’œuvres schématiques peintes avec des couleurs acryliques sur différents types de tissus accroissant la perception de chaleur et vice versa, aboutissant à une sorte de pyramide thermométrique : le plus chaud d’entre eux, le Damas moisi, puis le tartan plus froid, jusqu’au glacial iris bleu.
L‘Isla Fluo Tante 00/01/02, les trois diptyques sur les murs sont traversés par une frontière horizontale sur la ligne d’équilibre entre la perception chaude et froide.
Isla Fluo Tante 00 est la synthèse d’une perception totale du tissu tartan sur damas floral.
Pour le diptyque Isla Fluo Tante 01, les deux parties d’un flotteur sont peintes : la partie émergée est peinte sur du tissu de damas tandis que la partie immergée est peinte sur un tissu moisi.
Pour Isla Fluo Tante 02 la perception de température s’oriente vers la légèreté, ou si nous préférons vers l’artificiel. Ici le flotteur se compose pour sa partie supérieure à une toile peinte d’antifouling bleu iris et pour sa partie inférieure à une peinture sur un tissu tartan .
Installés au sol, reposant sur deux supports de protection souples, Fluo Tante 00 et Fluo Tante 02 sont peints en acrylique sur tissu tartan. Elles sont les seules œuvres à ne pas flotter, pour le moment, mais en puissance et parfaitement adaptées pour le faire.
A droite du Belvedere 01, Fluo Riana est suspendu unique et sur un seul support, peint en bleu iris froid antifouling et acrylique fluorescent flottant sur un support « chaud » de tissu de damas floral vintage.
En se dirigeant vers le coin des deux fenêtres, en passant derrière Sunserif, vous tombez sur The Notary : un cadre antique (début des années 1900) apporté par l’artiste de Rome, auquel l’artiste lui faire subir l’action de l’horizon : L’œuvre est travaillée en grattant le bois pour le réduire à l’épaisseur minimale sur sa hauteur, afin d’accentuer l’effet d’immersion inversée, comme une sorte de « tsunami » de peinture bleue iris antifouling venant du eau.
The Notary ressemble, involontairement à une vue inspirée de la marina de Port Tonic, une sorte de « C » plat qui entoure un petit miroir d’eau; Hasard ? Peut-être. Même si à l’horizon on ne réagit jamais par hasard.