-Arrêt sur image-
On n’entre pas dans l’oeuvre peinte de Fabrice Violante par la grande porte. On s’interroge d’abord, on observe, on apprivoise doucement le langage pictural du peintre. C’est comme une invitation à participer à un voyage initiatique, Fabrice donne les clés à ceux qui prennent le temps ; le temps de la rencontre. L’œuvre est multiple, fourmillante, protéiforme, mais pour celui qui voit et qui écoute, le fil conducteur est là, indicible souffle vital.
Glissement de l’image, ombres portées, plans resserrés, repentirs, transparence de la couleur, animaux qui s’enfuient, liberté et vitesse du trait, foisonnement de la touche picturale jusqu’à épuisement du médium… Fabrice Violante nous parle de l’essence même de la peinture.
Une peinture qui impose un rituel de préparation, soigneusement, avec méthode, dans le choix et la réflexion de l’acte de peindre. « Le peintre a beaucoup de choses dans la tête, ou autour de lui, ou dans l’atelier. Or tout ce qu’il a dans la tête ou autour de lui, est déjà dans la toile, plus ou moins virtuellement, plus ou moins actuellement, avant qu’il commence son travail… Nous sommes assiégés de photos qui sont des illustrations, de journaux qui sont des narrations, d’images-cinéma, d’images-télé. Il y a des clichés psychiques autant que physiques, perceptions toutes faites, souvenirs, fantasmes. Il y a là une expérience très importante pour le peintre : toute une catégorie de choses qu’on peut appeler “ clichés ” occupe déjà la toile, avant le commencement. » Gilles Deleuze, « Francis Bacon, Logique de la sensation »
La peinture de Fabrice Violante s’exécute dans la rapidité du geste et de l’absolu nécessité de donner forme à une idée. Une idée mais pas seulement, il y a les repentirs, ces recouvrements successifs qui modifient en profondeur la toile, pour masquer ou faire apparaître des objets, des formes ou des figures. Ils transforment l’aspect et engendrent d’autres idées, d’autres références, d’autres histoires.
Chez le peintre, il y a la réflexion, parfois longue, souvent nourrie d’expériences cinématographiques et de références artistiques. Fabrice Violante joue avec les arrêts sur images. Plus exactement il déclenche une pause dans cette série d’images discrètes qui forment un continuum visuel.
Comme le souligne Hervé Bazin dans son texte Qu’est-ce que le cinéma ? Ontologie de l’image photographique : « La photographie ne crée pas, comme l’art, de l’éternité, elle embaume le temps, elle le soustrait seulement à sa propre corruption. »
Pourquoi cette image et pas une autre dans ce flot incessant de clichés ? Parce que cette image là, justement se rappelle à notre mémoire, elle va nourrir notre imaginaire, s’afficher et nous manifester ce retour à la conscience claire des souvenirs, parfois vagues ou incomplets, difficiles à localiser. Par ce travail minutieux de collecte des images photographiques, Fabrice Violante nous entraine dans une vision où tout n’est que mouvement, recommencement peutêtre, assemblage et dispersion, recouvrement sans aucun doute, camouflage aussi.
« Paysage camouflage », « Dummy company » ou société fictive, « Titanic », « A monter soismême », « Road book », « Autres combines « c’est tout un inventaire de titres que le peintre utilise dans ses oeuvres et qui nous parlent d’un monde minutieusement détaillé, disséqué et recomposé.
Le travail de Fabrice Violante ne se donne pas à voir directement, il est un procédé intermédiaire entre le langage clair et le code pour assurer le secret des transmissions. Une suite et succession de choses de même nature, sa nature, celle qui le caractérise et qui l’amène à poursuivre sa quête inlassablement.
Et si vous poussez l’analyse encore un peu plus loin, alors c’est tout un monde pasolinien qui vous apparaitra, un lieu d’affrontement entre la différence et la norme, l’instinct et les institutions, le désir et la religion, le bien et le mal, l’informe et la forme, la moquerie et l’absurdité.
Dans son discours sur « Qu’est-ce que l’acte de création », Gilles Deleuze énonce ceci : « Un créateur, c’est pas un être qui travaille pour le plaisir. Un créateur ne fait que ce dont il a absolument besoin. », et c’est bien de cela dont il est question dans l’oeuvre de Fabrice Violante.