ART TONIC 2017
An installation of Cécile van Hanja with assistence of Jeroen van der Beek
Location: Port Tonic, Les Issambres, Côtes d’Azur, France
Realisation: August 25 – September 10, 2018
Artist statement:
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In my paintings I concentrate on the perspective of Modernistic buildings from the mid century.
The perspective lines seem to construct buildings and planes while at the same time they lead to invisible vanishing points. Together with layers of transparant colours that reflect walls or suggest unexpected look-throughs it creates a confusing maze. For the observer there is nothing to hold on.
In this installation the confusion of a 2 dimensional perspective in a 3 dimensional surrounding is the basis of the project.
It strikes that the building Port Tonic has the same straight lines and open spaces as the constructions of Mies van der Rohe and Le Corbusier.
By exploring the space leading to the building I want to emphazise this tendency.
On the gray asphalt the verticals and horizontals of the buildings are extended by lines of white paint.
For the observer walking by however the lines look randomly put down without any reason. Only when he or she reaches the viewer point where the perspective starts to work, the drawing on the asphalt together with the existing building suddenly transform in a three stories high modern structure with a swimming pool in front. One step further again it collapses in a maze of lines leaving the observer confused.
The swimming pool will be a mixture between a painted illusion and real existing object. In the pool the reflection of the building is painted together with a perspective deepness of it in blue. A real concrete border around the pool makes it possible to have a thin layer of water covering the painting to optimise the illusion.
Roberta Garieri : Je reviens sur une réflexion que tu avais avancé à Port Tonic Art Center cet été, pendant ta résidence. Nous parlions du faire artistique, de ton rôle de professeur aux Beaux Arts et de la volonté de transmettre à tes étudiants l’idée selon laquelle chaque personne peut être artiste (tu avais donné l’exemple du barman). Joseph Beuys me vient à l’esprit, quand en 1979, invité par un groupe d’étudiants pour réfléchir autour de « Qu’est-ce que l’art ? », il parle de cela comme « une sorte de science de la liberté ». Pouvons nous reprendre de ce point ?
Ettore Favini : L’art doit être liberté de pensée, d’action et aussi une voie nécessaire de fuite d’une réalité toujours plus insupportable. À l’intérieur de l’œuvre chacun de nous doit être libre de faire tout ce qu’il veut, libre de sortir des conventions, de détruire les tabous ou de faire des déclarations qu’il ne ferait pas dans la réalité. Une liberté qui doit être pour tous et pas seulement accordée aux artistes. C’est pour cela que je suis très proche de la célèbre expression « Chaque homme est un artiste » de Joseph Beuys, une sorte de manifeste qui souligne le concept d’art totale qui de l’expérience esthétique amène au vécu quotidien. Dans mon travail j’essaie de faire ça : pratiquer un art en tant qu’expérience totale.
R.G. : Mais reconnaître que cette liberté nous appartient et qu’elle doit être dans la nature même de notre être dans le monde n’est pas garanti. Il peut arriver de devoir activer une dés-identification pour après revenir à soi même. T’est-tu déjà confronté avec cela?
E.F. : Voyager m’oblige souvent à une condition de solitude dans laquelle j’ai la possibilité de réfléchir et de me perdre à certains moments. Je me suis retrouvé souvent seul, sans parler avec personne pour plusieurs jours et il s’agit des meilleurs moments pour appliquer ce processus de détachement de soi. En réalité, je ne sais pas si ce processus de dés-identification s’est vérifié, je ne suis pas sûr.
R.G. : En parcourant une partie de tes travaux j’ai entrevu une linéarité (pas seulement dans le travail présenté, mais aussi dans tout ce qui le précède et, en même temps, dans la partie discursive qui l’accompagne)… comme s’il n’y avait pas de blocages. Existe-t-il dans ta pratique une frontière qui sépare d’un coté l’anticipation de l’évolution de ton travail et de l’autre coté le laisser aller sans prévisions ? Éventuellement comment l’établis-tu cette frontière ?
E.F. : Je considère mon travail comme l’écriture d’un roman autobiographique, dont les chapitres sont « écrits » pendant la vie. Ce que je réalise est lié aux expériences que je vis, aux personnes que je rencontre, il n’ y a pas de calcul, mais un flux d’expérience. Clairement le travail conclu (que je considère comme toujours ouvert) aide la naissance du travail successif, mais dans certains cas je reprend des idées du passé ou des travaux laissés à moitié qui m’offrent la possibilité de continuer un discours que j’avais seulement esquissé. Il s’agit de notes éparpillées qui, seulement à la fin, pourront se lire dans leur ensemble.
R.G. : De quelle manière agit le hasard dans tout cela ? Considères-tu la possibilité d’un échec ?
E.F. : Le hasard est fondamental, je pense t’avoir fait l’exemple du voyage. J’aime souvent voyager sans beaucoup me documenter, même si désormais notre culture encyclopédique ne nous permet pas d’ignorer et cela parce que j’aime me laisser surprendre du lieu, je ne veux pas. Le voyage, comme le travail de l’artiste, prévoit des changements de programme, des déviations imprévues, où le hasard dicte la loi et l’échec plane toujours. Il s’agit d’une partie importante, sans, il n’y aurait pas de stimulation à travailler.
R.G. : Y a-t-il un lien entre les premiers travaux (je pense à Ipotesi d’infinito – Hypothèse d’infini) et les derniers? Qu’est-ce qui résonne aujourd’hui de ce passé?
E.F. : À la base de mes œuvres il y a les personnes que j’ai connu et rencontré, leurs vies et la mienne. Il s’agit toujours de travaux chorales, des grands portraits où les personnes directement ou indirectement participent à la construction ou à la réception de l’œuvre. Dans Ipotesi d’infinito (Hypothèse d’infini) un groupe de personnes est repris pendant qu’ils se tiennent par la main et créent le lemniscate: le symbole de l’infini (∞). Aujourd’hui, certaines d’entre elles ne sont plus là, d’autres sont arrivées, mais cette image est toujours présente, comme si je pouvais continuer à la réitérer. De la même manière, dans les derniers travaux la présence physique des personnes disparaît (même si elle n’a jamais été aussi visible), mais les traces qu’elles m’ont laissé, qui peuvent être des dessins, des pensées ou des tissus, font émerger leur présence physique. Ce qui change est le type de représentation, mais ma recherche est la même.
R.G. : Dans un entretien il y a quelque temps tu parles de continuité, en expliquant comment la fin de chaque projet constitue le début pour celui d’après. Bien que dans l’aspect formel des projets soient isolés, pouvons-nous penser qu’il y a une intrigue comme dans une œuvre narrative ? Quelle est l’histoire que tu veux nous raconter ?
E.F. : Il ne s’agit pas de projets isolés, simplement le type de représentation change selon le temps, selon mes mutations, pour s’adapter à ce que je veux montrer en ce moment. Comme je disais auparavant, mon œuvre veut être dans l’ensemble une sorte de récit qui se nourrit des histoires mineures, souvent périphériques, pour nous restituer un récit historique/autobiographique qui raconte des changements sociaux, économiques, écologiques de notre présent.

R.G. : Je voudrais passer à la série sur la Méditerranée. À quelles dimensions ouvre l’idée de cette mer dans ton travail?
E.F. : Cette question présuppose une série de réponses longues et très diverses, mais je vais essayer, en simplifiant beaucoup, de circonscrire tout dans une seule réflexion. La Méditerranée a été le berceau de certaines des civilisations les plus anciennes de notre Planète : en Grèce la philosophie et la civilisation occidentale prennent forme, alors que au Moyen Orient né la mathématique, les romains ont établit sur leurs cotes l’empire le plus étendu et durable et les trois religions parmi les plus importantes au monde se sont diffusées. La voie de la soie partait du Mare Nostrum et des navigateurs habiles, jusqu’en 500, avaient constitué un réseau de commerces florissants dans le monde entier connu jusqu’à ce moment là. Cette mer, partagée par vingt-deux pays avec des langues, cultures, religions, croyances, usages et coutumes différentes, a réussi à se « métisser» et c’est pour cela que souvent nous nous reconnaissons avec nos voisins. Dans mon travail je voudrais mettre en lumière ces similitudes, forcer certaines convictions pour créer une « batardisation » culturelle, où tout est mélangé et où il est difficile de reconnaître l’Italie du Maroc ou la Croatie de l’Espagne. Personne n’est propriétaire d’un patrimoine ou d’une langue, car dans la Méditerranée tout se partage et personne ne devrait se sentir étranger.
R.G. : Les travaux réalisés récemment naissent en explorant les terres qui l’entourent (la Méditerranée)… Qu’est-ce qui a donné origine à cette traversée? Jusqu’à un certain moment tu as travaillé sur le paysage italien, si je ne me trompe pas. Je perçois, maintenant, une volonté de « cartographier » lieux, histoires et mémoires dans la direction d’une histoire connectée qui privilégie la visualisation de réalités (sociaux, économiques, politiques) négligées de la culture officielle, de type eurocentrisme et occidentaliste.
E.F. : Ce travail, qui sera long et qui occupera mes prochaines années, naît du voyage en Sardaigne pour la première exposition « Arrivederci » (Au revoir), où j’ai commencé à voir les similitudes et les paradoxes de ce que nous considérons comme patrimoine culturel italien ou occidental. En étudiant le patrimoine du symbolisme textile sarde, je me suis aperçu des affinités présentes dans beaucoup des produits artisanaux qui existent dans d’autres cultures, vues comme lointaines et j’ai ainsi décidé de les étudier de manière plus approfondie. A partir des premiers voyages, je réalise que à travers le langage utilisé dans le tissage nous parlons des mêmes choses, nous utilisons les mêmes symboles, en Italie comme en Albanie, en France comme au Maroc, grâce à cette mer qui ne nous a pas divisés, mais au contraire elle nous a réunis.

R.G. : En tant qu’artiste et enseignant italien qui vit un moment historique où nous nous heurtons avec le devoir de se raconter, pas plus selon le model des aires culturelles, mais plutôt en assumant une optique transversale, que peux-tu nous dire du chemin pris par l’art italien à ce propos?
E.F. : Toujours plus je m’aperçois que l’art italien est à la dérive. Au niveau international, nous ne sommes presque pas tenus en considération et l’art a choisi de suivre des modèles qui ne lui sont pas propres, se rendant moche/maladroit. Le monde de l’art est en train de se transformer en un générateur d’événements qui n’a pas besoin d’artistes, mais des stars que le système consomme et crache en continuation. L’Italie n’arrive pas suivre ce mécanisme qu’elle interprète de manière artificielle, donc elle reprend du passé les années glorieuses des mouvements des années ‘60/’70/’80 et en particulier l’Arte Povera qui est en train de créer une ombre longue sur les générations qui l’ont suivi.
Je crois qu’il y a aussi un problème de contenus, qu’est ce que les artistes italiens racontent aujourd’hui ? Il y en a qui savourent le passé avec une attitude nihiliste vers le futur, qui cherchent a se faire interprète d’un Néoréalisme 2.0, qui font des masturbations plus ou moins intimes et personnalistes et qui cherchent à imiter des situations et des langages plus internationaux, enfin a créer sans le savoir un nouveau mouvement : le trendysme. Ils ne sont pas beaucoup à réfléchir sur la contemporanéité d’un Pays à la dérive au niveau politique, économique, social et écologique. L’Italie n’est plus « La dolce vita » de Fellini, la « Cinquecento » et le boom économique, les années de plomb, il est un Pays totalement transformé, pourquoi ne pas parler de cela ?
R.G. : Pour terminer, as-tu déjà réalisé une exposition qui a représenté une synthèse de ton travail jusqu’à aujourd’hui? Si pas encore, comment l’imaginerais-tu?
E.F. : Mon travail est une recherche continue, je ne pense pas en avoir autant pour tirer les conclusions.

Roberta Garieri : En reprenant la conversation que nous avons commencée, je voudrais aller plus loin. Quel est ton point de départ dans l’art?
Peter Tomka : Poétiquement, le point de départ est me réveiller, me lever à minuit et oublier ce que j’ai pensé le matin. Il y a des rituels qui influencent le point de départ. Je sors et je pense à beaucoup de choses, je vais plus loin et une abstraction se révèle à cause des sentiments que j’ai ressenti pendant ce chemin. Au retour, j’ai un petit point de départ pour faire sortir les idées et en parcourant cette route figurative il peut exister quelque chose de concret avec lequel je peux travailler.
R.G . : En observant ton travail je me suis aperçue qu’il est performatif. Il n’est pas statique et à certains moments il me semble qu’il donne priorité aux mutations…
P.T. : Oui, mon travail est performatif, même si en relation à mon étiquette dans la société des artistes je suis photographe. Il y a toujours une performance qui fait l’objet ou le personnage pendant que je prends la photo. C’est-à-dire, la personne qui pose ou la lumière dans le paysage présentent une performance afin que la photo représente l’immatériel de sa performance avec quelque chose de physique. Une photo est réussie si elle arrive à représenter la difficulté de l’intangible, parce que le rôle de la photographie dans l’art est celui de rendre visible ce qui ne se voit pas. Vous ne voyez pas une performance si vous n’êtes pas là en train de regarder la performance. Pour cela une photo est une photo, un enregistrement d’une performance est une vidéo ou une documentation et une performance reste une performance.
Oui, les changements dans mon travail me permettent d’avancer.
R.G . : Une autre question en relation avec la précédente… quand sais-tu que ton travail est terminé ?
P.T. : Le travail est fini quand il est entre d’autres mains. Les musées sont les lieux où l’art va mourir et les collections des collectionneurs sont les lieux pour cacher les œuvres terminées.
R.G . : En lisant l’article de William Cooperman que tu m’a envoyé j’ai imaginé le cadre que tu as créé pour l’exposition A Bathroom Darkroom. Pourrais-tu me parler de cette tendance à créer des ambiances dans des espaces insolites ? Comme la salle de bain par exemple ou dans le bureau du Centre d’art Port Tonic, où cette année tu as été invité pour une résidence.
P.T. : Les environnements ont une place importante pour moi ; créer un projet dans un lieu insolite signifie reprendre l’espace et le recouvrir avec des secrets et des curiosités. Oui, la salle de bain est un espace insolite, nous le pensons en relation à une pièce et aux couloirs qui entourent ce lieu de refuge. Concernant le bureau, j’ai considéré ce lieu comme un espace lié au milieu de l’économie ou de la communication. Le fait de changer l’espace et de le présenter avec des propriétés nouvelles, même si l’on peut comprendre ce qui est à l’origine, cela veut dire emmener quelque chose à son niveau successif, c’est être habile. Je me suis habitué à utiliser les moyens qui sont disponible et pour ça j’ai travaillé avec des lieux rares.
R.G . : Pourrais-tu me parler de l’origine de la résidence à Port Tonic ?
P.T. : J’ai aidé un ami artiste, Ej Hill, pour terminer la construction d’une sculpture An Arrangement of Perpetuities. L’œuvre a été exposée pendant Future Generation Prize à Kiev, Ukraine. Après quelques semaines, l’exposition a été transportée de Kiev à Venise pour la Biennal de Venise 2017. Les commissaires ont demandé à EJ de faire une autre œuvre pour l’exposition Future Generation Prize à Venise. Initialement, nous avions planifié que j’aille à Venise pour l’aider avec An Arrangement of Perpetuities, mais à partir du moment où il était en train de réaliser la nouvelle œuvre, Pillar, je l’ai aidé pour les derniers détails. À la fin, nous avons décidé de faire une performance sur la montagne russe qui a été construite dans le patio du palais. Nous avons marché pendant 18 heures sur la sculpture.
Pour cela j’étais à Venise, mais l’origine de mon arrivé à Port Tonic est la suivante : un ami à Los Angeles, provenant de l’Iowa aussi, m’a présenté à son frère jumeau et à son mari. Pendant ma dernière nuit à Venise je suis allé diner avec eux et pendant la soirée j’étais assis à côté de Michele avec qui j’ai discuté toute la nuit. Les semaines suivantes j’ai voyagé en Europe pour travailler sur un autre projet et pendant que j’étais à Londres j’ai rencontré Michele pour déjeuner. C’est comme ça que Michele a eu l’idée de m’inviter à Port Tonic pour réaliser un projet pendant l’été.
R.G . : Avais-tu déjà un projet à développer ?
P.T. : Avant mon arrivée je n’avais pas un projet. Je voulais travailler sur les modalités de présenter les photographies et pour cela je développais Dry Period. L’idée est arrivée par différentes tentatives et par un jeu d’intuitions. J’ai toujours voulu prendre une photo polaroid (8.255 cm x 10.795 cm), d’une taille aussi petite, la digitaliser avec un scanner et l’imprimer en grand format et c’est avec ça que j’expérimentais.
R.G . : Quel a été le processus de création ?
P.T. : Après avoir fait quelques photos du lieu j’ai commencé faire une carte de Port Tonic pour comprendre où j’étais. Je les ai exposées sur le mur de ma chambre et sur le mur dehors où venaient publiés les annonces locales. Chaque jour la collection s’enrichissait avec plus de photos et d’autres matériaux, j’ai alors demandé à Port Tonic le bureau pour exposer mon travail final.
J’ai caché tout ce qui était dans le bureau et j’ai construit une sculpture en bois tout au long du périmètre de l’espace. D’ici j’avais déjà imprimé les photos en grand format et je les ai accrochées au plafond. D’abord, je voulais disposer la toile blanche bien serré, mais je l’ai laissée tomber sans la fixer. L’idée de la fluidité de la toile blanche était en accord avec l’environnement de l’eau et des lumières méditerranéennes. Dans ce coin de Port Tonic, la lumière est très présente car c’est le point le plus haut. Du lever du soleil jusqu’au coucher du soleil tous les éléments du paysage (le ciel, le soleil et les nuages) changent l’installation grâce à l’interaction avec la fluidité de la toile.

Pour ce projet j’ai fait des photos avec un polaroid. Ces photos sont comme un croquis, pour observer, voir comment la lumière tombe et comment nous percevons l’espace. J’ai alors pris des photos de ces dernières. Donc les photos accrochés sont : une photo de la collection dans ma chambre (Room, Engineer Print, 88x 130 cm, 2017), une photo du tableau dehors sur le quai où j’ai accroché quelques polaroids (On Board, Engineer Print, 88 x 116 cm, 2017), un autoportrait (Self Portrait, Engineer Print, 88 x 88 cm, 2017) et une photo de la vue du tableau de liège avec un escalier (Gate, Engineer Print, 88 x 130 cm, 2017).
Des lignes imaginaires se créent entre les photos accrochées du bureau jusqu’à ma chambre; le tableau en liège à l’extérieur sert pour connecter le projet avec les premières observations. J’ai voulu faire un guide, une carte, une boussole.
R.G. : D’abord ta volonté était que l’espace reste fermé, n’est-ce pas ?
P.T. : Oui, c’est vrai ! D’abord je ne voulais pas que les gens entrent dans le bureau car mon premier concept était de réaliser un cadre géant pour les photos. Dans un deuxième moment, j’ai arrêté d’être aussi rigide dans mon idée et j’ai ouvert les portes et j’ai laissé entrer le vent. Oui, je voulais que les gens entrent avec la force naturelle de l’espace. Bienvenu, profite !
R.G. : Depuis ta première exposition en 2010, l’image est toujours présente. Pourrais-tu me parler de ta relation avec le medium de la photographie ?
P.T. : Il s’agit d’une relation personnelle avec une volonté de comprendre l’espace autour de moi. La photographie produit des résultats que j’apprécie, ceux qui ont une compréhension de temps en temps semblable aux idées visuelles que j’ai dans ma tête. Je cherche une manière de prendre en photo ces idées.
R.G. : Pour terminer, en se détachant de la dimension formelle et intentionnelle lié à ton travail, je voudrais passer sur un niveau différent qui communique avec le temps. Est-ce que le contexte historique qui t’entoure est important ? De quelle manière s’insère-t-il ans ton travail et quelles pistes ouvre-t-il ?
P.T. : Je vois le contexte historique d’une façon pratique. L’importance je la trouve dans la possibilité d’être, celle d’exister en tant qu’artiste est la manière dont le contexte historique s’insère dans mon travail. Un indice serait que la vie d’un artiste survit en ayant une grande trajectoire. Dans ce dévouement exclusif, il est important que je reconnaisse les recherches d’autres artistes parce que cela m’encourage à continuer mon chemin.
Plus d’informations sur l’artiste: www.peter-tomk.at
Roberta Garieri : Je voudrais commencer par une question très simple : quel a été votre point de départ dans l’art ?
Luc Lapraye : Mon point de départ dans l’art a été à l’âge de 55 ans, quand j’ai ressenti le besoin de lire des livres sur l’art. Au lieu de prendre le temps de déjeuner, je me suis nourri pendant plusieurs années de milliers d’images, en feuilletant dans les boutiques « en libre service » les livres consacrés à l’art contemporain.
R.G. : Votre rapprochement à la connaissance de l’art est intéressant, même si j’imagine que vous aviez déjà une implication créative dans votre travail dans l’ingénierie…et en général dans la façon dont vous modeliez votre propre existence. À ce moment là, étiez-vous déjà un amateur de l’univers artistique ?
L.L. : J’ai toujours été curieux avec un goût prononcé pour la découverte de nouvelles choses, mais le monde de l’art contemporain m’était complètement étranger.
R.G. : Dans un article de 2015, Marion Zilio, critique d’art et commissaire d’exposition, vous a défini un
« imposteur dans le vrai » qui a donné le titre au texte. Pourriez-vous préciser cette définition ?
L.L. : Marion considère en art que l’imposteur est une personne qui n’est pas dans la posture, pour un artiste ce n’est pas négatif c’est même sain !
R.G. : Je suis d’accord! Et il me semble que vous choisissez l’ironie pour visualiser et créer des nouvelles
relations entre les choses et ses significats…
J’aime bien pratiquer l’humour et l’ironie, l’autodérision également surtout appliquée aux autres.
R.G. : Nous sommes dans la deuxième moitié du XXème siècle : sans refuser le marché de l’art, les artistes conceptuelles voulaient le conquérir en le révolutionnant. Qu’est-ce- que en pensez-vous à l’heure actuelle ?
L.L. : Personnellement, je ne veux pas révolutionner le monde de l’art, je cherche simplement à m’exprimer à travers l’art, comme un écrivain avec les mots ou un compositeur en composant. J’aborde les sujets qui me tiennent à cœur comme l’amour, le sexe, la religion, la mort et surtout, de plus en plus, la protection de notre belle planète.
R.G. : Vous avez réalisé le diptyque Art Market & Art History . L’opposition entre le noir et le blanc (sans souligner toutes les attributions de sens que nous pouvons donner aux deux couleurs) exprime l’incompatibilité entre deux monde : le marché de l’art et l’histoire de l’art.
Comme les deux couleurs choisies pour le représenter, pensez-vous que ces deux mondes de l’univers artistique, en tant que antithèse parfaite, montrent une complémentarité des contraires ?
L.L. : Je mets volontairement en opposition l’Art et le Marché de l’Art, mais en fait les deux existent et cohabitent. Ce n’est pas l’un ou l’autre, c’est l’un et l’autre, tout n’est pas blanc ou tout n’est pas noir, il y a aussi du gris, il y a également du gris clair et du gris foncé !
Je ne juge pas, je dis simplement que les deux mondes existent. Un artiste peut très bien vouloir vivre confortablement de son travail, de son vivant et un autre préférera passer à la postérité. Personnellement, je préfère la deuxième version mais les deux sont défendables.

R.G. : Il me semble que dans votre travail il y ait une volonté de visualiser les mécanismes omniprésents du système de marché dans cette course à la production de valeur. Quelles réponses voulez-vous nous donner ?
L.L. : Au début de ma recherche, j’entendais souvent les gens dire : « c’est à cause du marché », « le marché est opaque ». Cela m’a donné l’envie de l’analyser; je l’ai mimé de manière iconoclaste, en lui supprimant sa valeur artistique, en le décomposant en 10 strates de 1 €m2 à 1 milliard €/m2, en le ramenant à un simple produit commercial.
R.G. : Dans certains travaux vous utilisé des matériaux au lieu d’en produire des nouveaux. Pourquoi ? Je pense par exemple à Tiger, aujourd’hui exposé à Port Tonic Art Center ?
L.L. : Oui, je préfère utiliser des matériaux existants dans le but de minimiser l’impact carbone de mon travail. Je pars également d’un objet existant ou d’une idée, d’un sujet qu’un artiste a déjà abordé dans le passé pour essayer de l’amener plus loin ou dans une direction différente.

R.G. : Quel est l’histoire de Tiger ?
L.L. : J’ai découvert Mother l’araignée de Louise Bourgeois à Bilbao, j’ai été intrigué par les œufs en marbre blanc présent dans son l’abdomen, j’ai alors imaginé que ces œufs étaient le résultat d’une folle nuit d’amour entre l’araignée et un moustique. Après éclosion des œufs des mutant sont apparus, mi araignée mi moustique, ils avaient perdu leurs ailes, gagnés un dard et possédaient 7 pattes !
R.G. : Pouvez vous me parler de votre reconversion du monde de l’ingénierie à celui de l’art. Lequel a été le tournant ?
L.L. : Mon premier métier a été Ingénieur et à ce titre j’ai crée et réalisé des projets. Maintenant, en tant qu’artiste, j’imagine et je crée également des projets qui sont devenue artistiques. J’ai choisi ce métier d’artiste plasticien pour pouvoir le pratiquer jusqu’à mon dernier jour et car j’ai la volonté de laisser une trace de mon passage sur terre, comme je l’ai peint sur un dytique: Mourir une fois oui (en blanc) Mourir deux fois non (en noir).
Quand je dis mourir deux fois c’est mourir par oubli, ma peur c’est que personne ne se rappelle que j’ai existé au XXIème siècle!
R.G. : J’imagine que Paris a été la ville où vous avez commencé…Comment vous êtes-vous orienté ?
L.L. : Tout c’est passé très vite. Le 25 mars 2015 Marion Zilio, critique d’art, a écrit sur mon travail un article dans le magazine BoumBang intitulé Un imposteur dans le vrai. Le jour même la galeriste Gabrielle Maubrie m’a appelé et m’a proposé de faire une exposition personnelle pour le mois suivant et j’ai réalise toutes les pièces en un mois. Le vernissage de Loi Carrez a eut lieu le 28 mai 2015.
En 2016 la galeriste Laure Roynette m’a accueilli pour une exposition personnelle intitulé Thesquaremeter qui évoque le fossé grandissant entre Art et Marché de l’Art, puis une exposition intitulé Dandelion pour le Hors les murs du YIA 2016.

En 2017 j’ai participé à l’exposition intitulée L’Actuel à la galerie Episodique de Paris, puis à Port Tonic Art Center pour l’exposition de Vanity, une sculpture métallique qui représente un moustique mutant.
R.G. : Les visuels en 3D que l’on peut voir sur votre site font partie de votre manière d’expérimenter ? L’œuvre est virtuellement terminée avant d’être présentée dans un espace physique…J’aimerai savoir d’où commence votre processus de création…
L.L. : Mon processus de création comporte 5 étapes. La première c’est l’Idée qui nait dans mon esprit, la deuxième c’est la réalisation d’une ébauche au crayon sur une feuille A4 datée et signée, la troisième fait appel à un infographe qui met en situation l’Idée, la quatrième c’est la construction d’un prototype d’une maquette et la dernière étape c’est la réalisation et l’exposition de l’Idée dans un lieu.
Plus d’informations sur l’artiste: www.luclapraye.com
C’est à l’occasion du vernissage de ART TONIC 2017 que l’équipe de Port Tonic Art Center rencontre Roberta, une jeune curatrice suivant l’artiste Stefano Serretta depuis plusieurs années.
Comme un prolongement littéraire de l’ambition de Port Tonic Art Center, son attachement à la création artistique et aux sources d’inspiration des artistes ont entamé une collaboration extraordinaire autour des réalisations des artistes invités pour Art Tonic 2017.
Sur 2017 et 2018, elle publie une série de textes afin de nourrir la compréhension de l’univers des artistes qui ont participé au programme de résidence Art Tonic 2017.
Ces textes prennent la forme d’un entretien et trouvent leur origine dans un moment de conversation avec l’artiste auquel nous laissons la liberté de parler de soi et de son rapport à l’art.
Le projet « Dialogues » veut mettre au centre le processus de création et le rôle de l’artiste et de son œuvre en tant que activateurs de sociabilité et de rencontres.
